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Après la mort de James Dean, il y a 58 ans !

Lettre de condoléances de Stewart Stern après la mort de James Dean : « Jimmy vivait, lumineux et unique dans un monde où la plupart des choses sont artificielles, malhonnêtes et mornes ».

James Dean meurt dans un accident de voiture le 30 septembre 1955, un mois après son rôle mythique dans La Fureur de Vivre. Quelques jours après ses funérailles, Stewart Stern, scénariste de La Fureur de Vivre et ami de James Dean, écrit cette lettre de condoléances à Marcus et Ortense Winslow, oncle et tante de l’acteur, qui l’avaient élevé. Une lettre bouleversante, un portrait intime et inconnu de cet acteur mythique.

 

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12 octobre 1955

Cher M. Marcus et Mme Winslow,

Je n’oublierai jamais cette ville silencieuse en ce jour ensoleillé si particulier. Je n’oublierai jamais le soin avec lequel ces gens posaient leurs pieds si prudemment sur le trottoir, comme si le son d’un talon qui claque pouvait déranger le sommeil d’un enfant assoupi et silencieux. Et les murmures. Vous rappelez-vous d’une personne élevant la voix plus haut qu’un murmure pendant ces heures de recueillement et d’adieux ? Pas moi. Une ville entière frappée de silence, une ville entière, la gorge serrée d’amour, dont les habitants se demandaient pourquoi ils avaient si peu de temps pour dire adieu à cet amour.

Gandhi a un jour dit que si toutes ces personnes condamnées à Hiroshima avaient levé leurs visages vers l’avion qui planaient au-dessus d’eux et qu’elles avaient adressé un simple soupir de protestation spirituelle, le pilote n’aurait pas lâché la bombe. C’est peut-être vrai. Peut-être pas. Mais je suis sûr, je suis certain, je sais, que l’immense vague d’affection chaleureuse qui a déferlé sur Fairmount a accompagné cet irrésistible fantôme pour toujours et à jamais. […]

Voici une étoile filante, une étoile sombre née du froid invisible : elle frappe les couches supérieures de l’atmosphère et regardez-la bien ! On la voit ! Elle brûle, décrit un arc dans les cieux et nous éblouit. Elle s’éteint dans les cendres et la mémoire. Mais son image demeure dans nos paupières pour pouvoir la contempler encore et encore. Car elle était rare. Et belle. Et nous remercions Dieu et la nature de l’avoir envoyée devant nos yeux.

Si peu de choses étincellent. Si peu de choses sont belles. Notre monde n’a pas l’air capable de contenir longtemps cette brillance. Seul celui qui a connu la douleur peut connaître l’extase. La Beauté n’existe que face à la laideur. La Paix n’est appréciée que si elle a été précédée d’une guerre. Nous voudrions tant que la vie ne permette que le Bien. Mais il s’évanouit quand son opposé disparaît. C’est du marbre blanc sur des neiges éternelles. Et Jimmy vivait, lumineux et unique dans un monde où la plupart des choses sont artificielles, malhonnêtes et mornes. Il est apparu et a éclairé nos existences.

Je ne possède rien qui appartenait à Jim, rien que je puisse toucher ou regarder si ce n’est la boue qui collait à ses bottes et un  grain de maïs de votre grange. Je n’ai rien d’autre et je ne veux rien de plus. Je n’ai pas besoin de toucher ce qu’il a touché car  je peux toujours sentir sa main sur mon épaule. Il m’a donné sa confiance, sans conditions et véridiquement. Un jour, il m’a dit qu’il jouerait dans La Fureur de Vivre parce qu’il savait que je le voulais et un autre, il a essayé de joindre le magazine Life pour que ce soit moi qui écrive sa biographie. Il m’a dit qu’il pensait que je le comprenais et si Life refusait que j’écrive les textes pour accompagner les images que Dennis avait prises, il refuserait que ce magazine fasse ce reportage sur lui. J’ai réussi à l’arrêter, sachant que Life avait l’habitude d’utiliser son propre staff d’écrivains, mais je n’oublierai jamais ce que j’ai ressenti lorsqu’il unissait sa vie à la mienne. Enfin, il m’a fait don de son art. Il a récité mon texte et joué mes scènes mieux que n’importe quel acteur de notre époque, ou même de l’histoire du cinéma, ne l’aurait fait. Je sens que d’autres cadeaux de sa part, des cadeaux pour nous tous, nous attendent. Son influence ne s’arrête pas avec sa mort. Elle nous accompagne et changera profondément notre façon de voir le monde. Jimmy m’a appris la valeur d’une minute. Il aimait ses minutes et je dois maintenant aimer les miennes.

Ces mots ne sont pas clairs. Mais ils sont plus clairs que ce que j’aurais pu vous dire la semaine dernière.

J’écris du plus profond de mon affection à Jimmy, qui est entré dans ma vie et m’a ouvert les yeux ; je vous écris, à vous, qui l’avez élevé pendant son enfance et lui avez donné votre amour, à vous qui avez été assez mûrs et humains pour m’accueillir, moi, un étranger, dans votre chagrin et m’en laisser repartir comme un ami.

Sur la route du retour, l’arrivée du crépuscule colorait le ciel de jaune et les silhouettes des arbres se détachaient clairement dans cette lumière. Les gerbes de fleurs couvrant la tombe étaient ternes et grises à l’approche du soir car elles avaient cédé leurs couleurs au coucher de soleil. J’ai pensé : « C’est là qu’il a trouvé sa place », dans ce ciel immense qui s’assombrit et cet air qui étanche la soif aussi bien qu’une montagne d’eau, avec ses ancêtres centenaires autour de lui et le champ de maïs entourant la prairie, qui marquera sa présence. Il est là, dans le maïs. Il chasse le lièvre en hiver et le poisson-chat en été. Il a une main sur l’épaule du petit Mark et vous donne soudain un baiser. Mon rire fait écho au sien après les blagues géniales qu’il m’a faites et apprises. Il est là, vivant, vif, et toujours inoubliable, trop malicieux pour rester allongé longtemps.

Avec toute l’affection et la gratitude que j’ai pour vous et le petit Mark,

Stewart.

( Source: The Making Of Rebel Without A Cause, Douglas L. Rathgeb, Mcfarland & Co Inc Pub (September 24, 2004) )
Source de l’article : Des Lettres.fr

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